Nous voulons maintenant calculer comment un empilement de couches réfléchit et transmet la lumière.
Nous voulons maintenant faire pour l'emplilement de couches au complet ce que nous avons fait à la page précédente pour une seule interface. Pour chaque polarisation, nous avons comme solution générale $$\boldsymbol\Phi_\pi(z) = c_{0+}~e^{i \gamma_0(z-z_0)}|~0, + \gt + c_{0-}~e^{-i \gamma_0(z-z_0)}|~0, - \gt$$ dans le milieu entrant et $$\boldsymbol\Phi_\pi(z) = c_{(n+1)\mkern 2mu +}~e^{i \gamma_{n+1}(z-z_n)}|~{n+1}, + \gt + c_{(n+1)\mkern 1mu -}~e^{-i \gamma_{n+1}(z-z_n)}|~{n+1}, - \gt$$ dans le milieu sortant.
Nous voulons trouver une relation de la forme $$\begin{bmatrix} c_{(n+1)\mkern 1mu +} \\ c_{0\mkern 1mu -} \end{bmatrix} = \begin{bmatrix} t_{0\mkern 1mu (n+1)} & r_{(n+1)\kern 1mu 0} \\ r_{0\mkern 1mu (n+1)} & t_{(n+1)\kern 1mu 0} \end{bmatrix} \begin{bmatrix} c_{0\mkern 1mu +} \\ c_{(n+1)\mkern 1mu -} \end{bmatrix}$$ entre les quatre coefficients $c_{0\mkern 1mu \pm}$ et $c_{(n+1)\mkern 1mu \pm}$. Les quantités $r_{0\mkern 1mu (n+1)}$ et $r_{(n+1)\mkern 1mu 0}$ sont appelées coefficients de réflexion et les quantités $t_{0\mkern 1mu (n+1)}$ et $t_{(n+1)\mkern 1mu 0}$, coefficients de transmission
La technique pour calculer ces coefficient est la même que pour les coefficients de Fresnel. Il y a cependant une étape suplémentaire : il faut trouver une matrice $\vec{N}$ telle que
$\boldsymbol\Phi_\pi(z_0)=\mkern 1mu\vec{N}\mkern 1mu\boldsymbol\Phi_\pi(z_n).$
Une fois cette matrice trouvée, on exprime que si $c_{(n+1)\mkern 1mu -}=0$ et $c_{0\mkern 1mu +}=1$, on doit avoir $$|~0, + \gt+r_{0\mkern 1mu (n+1)}|~0, - \gt =t_{0\mkern 1mu (n+1)}\mkern 1mu\vec{N}\mkern 1mu|~n+1, + \gt .\tag{1}$$
En multipliant (1) par $\lt 0, +~|$ et $\lt 0, -~|$, on obtient $$\begin{array} {l} 1=t_{0\mkern 1mu (n+1)}\lt 0, +~|\mkern 1mu\vec{N}\mkern 1mu|~n+1, + \gt, & r_{0\mkern 1mu (n+1)}=t_{0\mkern 1mu (n+1)}\lt 0, -~|\mkern 1mu\vec{N}\mkern 1mu|~n+1, + \gt ,\end{array}$$ ce qui permet de calculer $r_{0\mkern 1mu (n+1)}$ et $t_{0\mkern 1mu (n+1)}.$ De manière analogue, si $c_{(n+1)\mkern 1mu -}=1$ et $c_{0\mkern 1mu +}=0$, il faut qu'on ait $$t_{(n+1)\mkern 1mu 0}|~0, - \gt = \mkern 1mu\vec{N}\mkern 1mu|~(n+1), - \gt + r_{(n+1)\mkern 1mu 0}\mkern 1mu\vec{N}\mkern 1mu|~n+1, + \gt .\tag{2}$$ pour $z=z_0$. De nouveau, en multipliant (2) par $\lt 0, +~|$ et $\lt 0, -~|$, on obtient $$\begin{array} {rr} 0=\lt 0, +~|\mkern 1mu\vec{N}\mkern 1mu|~n+1, - \gt + r_{(n+1)\mkern 1mu 0}\lt 0, +~|\mkern 1mu\vec{N}\mkern 1mu|~n+1, + \gt ,\\ t_{0\mkern 1mu (n+1)}=\lt 0, -~|\mkern 1mu\vec{N}\mkern 1mu|~n+1, - \gt + r_{(n+1)\mkern 1mu 0}\lt 0, -~|\mkern 1mu\vec{N}\mkern 1mu|~n+1, + \gt ,\end{array}$$ ce qui permet maintenant de calculer $r_{(n+1)\mkern 1mu 0}$ et $t_{(n+1)\mkern 1mu 0}.$
Les matrices caractéristiques fournissent une méthode pour calculer la matrice $\vec{N}$. On a vu comment on pouvait relier les valeurs du champ $\boldsymbol\Phi_\pi(z)$ en deux points $z_a$, $z_b$ d’un même milieu $j$ par la formule $$\boldsymbol\Phi_\pi(z_b)=\exp\left(i\dfrac{\omega}{c}\boldsymbol\Delta_{\pi j}(z_b-z_a)\right)\boldsymbol\Phi_\pi(z_a)$$ où $$\exp\left(i\dfrac{\omega}{c}\boldsymbol\Delta_{\pi j}z\right)= |~j,+\gt \exp\left(i\gamma_jz\right) \lt j,+~| + |~j,-\gt \exp\left(-i\gamma_jz\right) \lt j,-~|.$$ Nous allons définir les matrices caractéristiques $\vec{N}_{j\kern 2mu k}$ comme des matrices avec la propriété $$\boldsymbol\Phi_\pi(z_j)=\vec{N}_{j\kern 2mu k}\boldsymbol\Phi_\pi(z_k).$$
Si $k=j\pm 1$, il suffit de prendre $$\begin{array} {ll} \vec{N}_{j\kern 2mu j-1}=\exp\left(i\dfrac{\omega}{c}\boldsymbol\Delta_{\pi j}d_j\right), & \vec{N}_{j\kern 2mu j+1}=\exp\left(-i\dfrac{\omega}{c}\boldsymbol\Delta_{\pi (j+1)}d_{j+1}\right), \end{array}$$ où $d_j=z_j-z_{j-1}$ est l’épaisseur de la couche $j$. Pour des valeurs non consécutives de $j$ et $k$, on utilise la multiplication matricielle. Par exemple, $$\begin{array} {ll} \vec{N}_{j+1\kern 2mu j-1}=\vec{N}_{j+1\kern 2mu j}\vec{N}_{j\kern 2mu j-1}, & \vec{N}_{j+2\kern 2mu j-1}=\vec{N}_{j+2\kern 2mu j+1}\vec{N}_{j+1\kern 2mu j-1}, \end{array}$$ etc. À noter que $\vec{N}_{j\kern 2mu j}=\vec{I}$, où $\vec{I}$ est la matrice identité 2×2 et que $\vec{N}_{j\kern 2mu k}=\vec{N}_{k\kern 2mu j}^{-1}$.
La matrice que nous cherchons à la section 1 est $\vec{N}=\vec{N}_{0\kern 2mu n}$.
Soit $k$ un nombre entre $1$ et $n$. Supposons que nous connaissions les valeurs de $r_{0\mkern 2mu k}$ et $t_{0\mkern 2mu k}$, $r_{k\mkern 2mu 0}$ et $t_{k\mkern 2mu 0}$, ainsi que $r_{k\mkern 2mu n+1}$ et $t_{k\mkern 2mu n+1}$. Comment peut-on calculer les valeurs de $r_{0\mkern 2mu n+1}$ et $r_{0\mkern 2mu n+1}$ ? La réponse est simple. On a $$\vec{N}_{0\kern 2mu n} =\vec{N}_{0\kern 2mu k-1} \vec{N}_{k-1\kern 2mu k} \vec{N}_{k\kern 2mu n}$$ c’est-à-dire $$\vec{N}_{0\kern 2mu n} =\vec{N}_{0\kern 2mu k-1} |~k,+\gt e^{-i\gamma_kd_k} \lt k,+~| \vec{N}_{k\kern 2mu n} + \vec{N}_{0\kern 2mu k-1} |~k,-\gt e^{i\gamma_kd_k} \lt k,-~| \vec{N}_{k\kern 2mu n}.$$
En substituant cette valeur dans les résultats de la section 1, on obtient avec un peu d’algèbre $$\begin{array} {lr} r_{0\kern 2mu n+1}=r_{0\kern 2mu k}+\dfrac{t_{0\kern 2mu k}r_{k\kern 2mu n+1}t_{k\kern 2mu 0}e^{2\kern 2mu \zeta_kd_k}}{1-r_{k\kern 2mu 0}r_{k\kern 2mu n+1} e^{2\kern 2mu \zeta_kd_k}}, & t_{0\kern 2mu n+1}=\dfrac{t_{0\kern 2mu k}t_{k\kern 2mu n+1}e^{\zeta_kd_k}}{1-r_{k\kern 2mu 0}r_{k\kern 2mu n+1} e^{2\kern 2mu \zeta_kd_k}}. \end{array} \tag{3}$$
Le problème de la section 1 peut ausi être résolu en utilisant autre méthode, connue sous le nom de méthode des matrices de transfert. Désignons par$|~z, \pm \gt$ les vecteurs propres $\pm$ dans le milieu où $z$ se trouve. Par exemple, si on avait $z_2 \lt z \lt z_3$, on serait dans la couche numéro $3$ et donc $|~z, \pm \gt$ serait la même chose que $|~3, \pm \gt$. On peut écrire la solution générale sous la forme $$\boldsymbol\Phi_\pi(z) = c_+(z)~|~z, + \gt + c_-(z)~|~z, - \gt.$$
La méthode des matrices de transfert consiste à étudier comment le vecteur $[c_+(z)~~~c_-(z)]^T$ évolue lorsque $z$ se déplace dans le milieu stratifié. Un avertissement est de rigueur : le vecteur $\boldsymbol\Phi_\pi(z)$ est continu aux interfaces, mais pas les vecteurs $|~z, \pm \gt$. Conclusion : le vecteur $[c_+(z)~~~c_-(z)]^T$ lui non-plus n'est pas continu aux interfaces.
Nous avons besoin d'une matrice $\vec{T}$ avec la propriété $$\begin{bmatrix} c_+(z_0-0) \\ c_-(z_0-0) \end{bmatrix} = \vec{T} \begin{bmatrix} c_+(z_n+0) \\ c_-(z_n+0) \end{bmatrix}.$$
Cette matrice peut être obtenue comme un produit de matrices de phase et de matrices d'interface. Par exemple, à l'interface $j$, on peut montrer avec les résultats de la page précédente qu'on aura $$\begin{bmatrix} c_+(z_j-0) \\ c_-(z_j-0) \end{bmatrix} = \dfrac{1}{t_{j\mkern 2mu (j+1)}}\begin{bmatrix} 1 & r_{j\mkern 2mu (j+1)} \\ r_{j\mkern 2mu (j+1)} & 1 \end{bmatrix} \begin{bmatrix} c_+(z_j+0) \\ c_-(z_j+0) \end{bmatrix}$$ et lorsque $z$ passe de $z_j-0$ à $z_{j-1}+0$ dans le milieu $j$, on aura des changements de phase donnés par $$\begin{bmatrix} c_+(z_{j-1}+0) \\ c_-(z_{j-1}+0) \end{bmatrix} = \begin{bmatrix} \exp\left(-i\gamma_j d_j\right) & 0 \\ 0 & \exp\left(i\gamma_j d_j\right) \end{bmatrix} \begin{bmatrix} c_+(z_j-0) \\ c_-(z_j-0) \end{bmatrix}.$$
En termes de matrice de transfert, les équations (1) et (2) sont remplacées par : $$\begin{array} {lll} \begin{bmatrix} 1 \\ r_{0\mkern 1mu (n+1)} \end{bmatrix} = \vec{T} \begin{bmatrix} t_{0\mkern 1mu (n+1)} \\ 0 \end{bmatrix} & \mathsf{et} & \begin{bmatrix} 0 \\ t_{(n+1)\mkern 1mu 0} \end{bmatrix} = \vec{T} \begin{bmatrix} r_{(n+1)\mkern 1mu 0} \\ 1 \end{bmatrix}. \end{array}$$
Le cas particulier des formules (3) correspondant à $k=n=1$ se retrouve dans la majorité des ouvrages sur l'optique physique sous une forme un peu différente : $$\begin{array} {ll} r_{0\kern 2mu 2}=\dfrac{r_{0\kern 2mu 1}+r_{1\kern 2mu 2}e^{2i \gamma_1d_1}}{1+r_{0\kern 2mu 1}r_{1\kern 2mu 2}e^{2i \gamma_1d_1}}, & t_{0\kern 2mu 2}=\dfrac{t_{0\kern 2mu 1}t_{1\kern 2mu 2}e^{i \gamma_1d_1}}{1+r_{0\kern 2mu 1}r_{1\kern 2mu 2}e^{2i \gamma_1d_1}}. \end{array}$$ Le passage d'une forme à l'autre se fait en utilisant les relations au bas de la page précédente (relations qui, notons le, ne se généralisent pas pour $n \gt 1$). Ce cas particulier des formules (3) a été publié par G. B. Airy en 1833.
Ce qui rend les formules (3) intéressantes, c'est qu'elles révèlent un schéma de réflexions multiples dans la couche $k$. En effet, on peut les mettre sous la forme $$\begin{array} {ll} r_{0\kern 2mu n+1}=r_{0\kern 2mu k}+\sum_{n=0}^\infty t_{0\kern 2mu k}r_{k\kern 2mu n+1}(r_{k\kern 2mu 0}r_{k\kern 2mu n+1})^n t_{k\kern 2mu 0}e^{(2n+2)\kern 2mu \zeta_kd_k}, & t_{0\kern 2mu n+1}=\sum_{n=0}^\infty t_{0\kern 2mu k}(r_{k\kern 2mu n+1}r_{k\kern 2mu 0})^n t_{k\kern 2mu n+1}e^{(2n+1)\kern 2mu \zeta_kd_k} \end{array} \tag{4}$$ que nous utiliserons à la page suivante.
Le cas idéalisé où le milieu $n+1$ est un conducteur parfait se traite de manière similaire à ce qui précède. La seule différence, c'est que le champ électrique tangent à la dernière interface doit être nul. Pour les deux polarisations, on doit avoir $$\boldsymbol\Phi_\pi(z_n)= \alpha \mkern 1mu[0~1]^T$$ pour un certain $\alpha$ et l'équation (1) est remplacée par $$|~0, + \gt+r_{0\mkern 1mu (n+1)}|~0, - \gt =\alpha \mkern 1mu\vec{N}\mkern 1mu [0,~1]^T .\tag{1'}$$
En multipliant (1') par $\lt 0, +~|$ et $\lt 0, -~|$, on obtient $$\begin{array} {l} 1=\alpha \mkern 1mu\lt 0, +~|\mkern 1mu\vec{N}\mkern 1mu [0~1]^T, & r_{0\mkern 1mu (n+1)}=\alpha \mkern 1mu\lt 0, -~|\mkern 1mu\vec{N}\mkern 1mu [0~1]^T ,\end{array}$$ ce qui permet de calculer $r_{0\mkern 1mu (n+1)}$. Si on préfère utiliser les matrices de transfert, il faut d'abord trouver une matrice $\vec{T}$ telle que $$\begin{bmatrix} c_+(z_0-0) \\ c_-(z_0-0) \end{bmatrix} = \vec{T} \begin{bmatrix} c_+(z_n-0) \\ c_-(z_n-0) \end{bmatrix}.$$ L'équation (1') est alors remplacée par $$\begin{array} {lll} \begin{bmatrix} 1 \\ r_{0\mkern 1mu (n+1)} \end{bmatrix} = \alpha \mkern 1mu \vec{T} \begin{bmatrix} 1 \\ 1 \end{bmatrix}~~(\pi = p) & \mbox{ou} & \begin{bmatrix} 1 \\ r_{0\mkern 1mu (n+1)} \end{bmatrix} = \alpha \mkern 1mu \vec{T} \begin{bmatrix} 1 \\ -1 \end{bmatrix}~~(\pi = s). \end{array}$$