$\renewcommand{\vec}[1]{\mathbf{#1}}$ $\newcommand{\fvec}[1]{\tilde{\vec{#1}}}$ $\newcommand{\ffvec}[1]{\check{\vec{#1}}}$ $\newcommand{\fffvec}[1]{\check{\tilde{\vec{#1}}}}$ $\newcommand{\f}[1]{\tilde{#1}}$ $\newcommand{\ff}[1]{\check{#1}}$ $\newcommand{\fff}[1]{\check{\tilde{#1}}}$ $\newcommand{\reels}{\mathbb{R}}$ $\newcommand{\dif}{\mathrm{d}}$ $\newcommand{\eps}{\varepsilon}$ $\newcommand{\xy}{\mathbin{/\mkern-4mu/}}$

Réflectance et transmittance — Substrats épais

Nous voulons maintenant calculer les proportions de l’énergie électromagnétique incidente qui sont réfléchie dans la milieu entrant (c’est la réflectance $\mathcal{R}$) et transmise dans le milieu sortant (c’est la transmittance $\mathcal{T}$). Nous montrerons aussi comment tenir compte de la présence d’un substrat dont l’épaisseur est grande comparée à la longueur de cohérence du signal.

1. Réflectance et transmittance

La question de la réflectance n'est pas aussi simple qu'on pourrait le penser : pour que le concept ait du sens, il faut en effet imposer au milieu entrant d'être transparent. Il y a deux raisons à cela :

  1. Le milieu entrant est un milieu semi-infini. S’il était absorbant, cela voudrait dire que le champ incident tendrait vers l’infini pour $z \to -\infty$ ;
  2. Selon ce qu’on a vu plus tôt, dans un milieu absorbant il n’y a pas de découplage des champs incident et réfléchi : il est donc impossible d'y définir une réflectance.

Nous prendrons donc pour acquis que le milieu entrant est transparent. Si, pour une certaine onde partielle de Fourier de polarisation donnée, on suppose en $z=z_0$ un champ de la forme $$c_+~|~0, + \gt + c_-~|~0, - \gt$$ la partie du champ avec $+$ est évidemment le champ incident, la partie du champ avec $-$ est le champ réfléchi et on aura $$c_-=r_{0\kern 2mu (n+1)}c_+.$$

Si on calcule le flux d'énergie à travers le plan $z=z_0$, on trouvera

$$\dfrac{n_0\cos\theta_0}{Z_0} \left[ \left|c_+\right|^2- \left|c_-\right|^2 \right].$$

Clairement, le flux d'énergie du champ incident est

$$\dfrac{n_0\cos\theta_0}{Z_0} \left|c_+\right|^2$$ et celui du champ réfléchi est $$\dfrac{n_0\cos\theta_0}{Z_0} \left|c_-\right|^2 = \dfrac{n_0\cos\theta_0}{Z_0} \left|c_+\right|^2 \left|r_{0\mkern 1mu (n+1)}\right|^2.$$ La réflectance est le quotient des deux, soit $$\mathcal{R}_{0\mkern 1mu (n+1)} = \left|r_{0\mkern 1mu (n+1)}\right|^2.$$

Considérons maintenant le champ en $z=z_n$, qui sera de la forme $$t_{0\kern 2mu (n+1)} c_+~|~n+1, + \gt.$$ Si le milieu sortant est transparent, le flux d'énergie correspondant à travers le plan $z=z_n$ sera nul si le champ est évanescant et sera $$\dfrac{n_{n+1}\cos\theta_{n+1}}{Z_0} \left|c_+\right|^2 \left|t_{0\mkern 1mu (n+1)}\right|^2 $$ sinon. On aura donc pour transmittance $\mathcal{T}_{0\mkern 1mu (n+1)}=0$ si le champ transmis est évanescent et $$\mathcal{T}_{0\mkern 1mu (n+1)}=\dfrac{n_{n+1}\cos\theta_{n+1}}{n_0\cos\theta_0}\left|t_{0\mkern 1mu (n+1)}\right|^2$$ sinon.

Pour un milieu sortant absorbant, la transmittance n'a pas de forme qui vaille la peine d'être raportée.

2. Substrats épais : énoncé du problème

Très souvent, on a affaire à des échantillons constitués d’un ensemble de couches minces déposées sur un subs­trat épais de verre ou d’un autre matériau plus ou moins transparent. Les développements qui précèdent s’appli­quent au couches minces, mais pas nécessairement au substrat, en raison des considérations suivantes, qui sont faites de manière très informelle :

  • Une onde plane de la forme $e^{ikz}$ ($-\infty \lt z \lt \infty$) est une abstraction mathématique. En pratique, un signal optique est constitué d’une multitude de trains d’onde de longueurs finies et de phases relatives plus ou moins aléatoires.
  • Si on pouvait mesurer la corrélation des phases du signal en deux valeurs $z_a$ et $z_b$, on verrait que cette corrélation diminue quand la distance entre ces deux valeurs de $z$ augmente. La longueur de cohérence est une mesure de la distance maximale entre $z_a$ et $z_b$ au delà de laquelle on pert la corrélation des phases.
  • Les trains d’onde dont les phases ne sont pas corrélées n’interfèrent pas : leurs intensités s’additionnent.

Au bas de la page précédente, on a mis en évidence le fait que les formules développées tenaient compte de l’interfé­rence d’ondes subissant des réflexions multiples. Or, pour une source de lumière thermique, la longueur de cohé­rence peut être de l’ordre d’une dizaine de micromètres alors que l’épaisseur du substrat est de l’ordre du milli­mètre. Il n’y aura donc pas d’interférences entre les ondes subissant des réflexions multiples dans le subs­trat ; nous devons donc modifier nos calculs pour tenir compte de ce fait.

3. Substrats épais : solution

Nous traiterons d’abord le cas d’un substrat transparent, puis d'un substrat absorbant. Pour simplifier, nous supposerons que le milieu sortant est transparent.

Substrat transparent

Dans le cas d’un substrat transparent, la solution est relativement simple. Notons tout d’abord que le substrat sera la couche la plus proche du milieu sortant, soit celle numérotée $n$. Puisque cette couche est transparente, toutes les quantités $\mathcal{R}_{0\mkern 2mu n}$, $\mathcal{T}_{0\mkern 2mu n}$, $\mathcal{R}_{n\mkern 2mu 0}$, $\mathcal{T}_{n\mkern 2mu 0}$ et $\mathcal{R}_{n\mkern 2mu n+1}$ sont bien définies. Il est donc possible de tenir compte des réflexions multi­ples en utilisant des formules similaires aux formules (3) de la page précédente, mais en utilisant des réflectances et transmittances plutôt que des coef­ficients de réflexion et transmission. Pour la réflectance, le résultat sera $$\mathcal{R}_{0\mkern 2mu n+1}=\mathcal{R}_{0\mkern 2mu n}+\dfrac{\mathcal{T}_{0\mkern 2mu n}\mathcal{R}_{n\mkern 2mu n+1}\mathcal{T}_{n\mkern 2mu 0}} {1-\mathcal{R}_{n\mkern 2mu 0}\mathcal{R}_{n\mkern 2mu n+1}}. \tag{1}$$

On peut aussi calculer la transmittance par la formule $$\mathcal{T}_{0\mkern 2mu n+1}=\dfrac{\mathcal{T}_{0\mkern 2mu n}\mathcal{T}_{n\mkern 2mu n+1}}{1-\mathcal{R}_{n\mkern 2mu 0}\mathcal{R}_{n\mkern 2mu n+1}}. \tag{2}$$

Substrat absorbant

En terme de coefficients de réflexion et transmission, les

formules (1) et (2) peuvent être réécrites $$\mathcal{R}_{0\mkern 2mu n+1}=|r_{0\mkern 2mu n}|^2+\dfrac{|t_{0\mkern 2mu n}|^2|r_{n\mkern 2mu n+1}|^2|t_{n\mkern 2mu 0}|^2} {1-|r_{n\mkern 2mu 0}|^2|r_{n\mkern 2mu n+1}|^2} \tag{1’}$$ $$\mathcal{T}_{0\mkern 2mu n+1}=\dfrac{n_{n+1}\cos\theta_{n+1}}{n_0\cos\theta_0}\dfrac{|t_{0\mkern 2mu n}|^2|t_{n\mkern 2mu n+1}|^2}{1-|r_{n\mkern 2mu 0}|^2|r_{n\mkern 2mu n+1}|^2}. \tag{2’}$$

On remarque que la formule (1’) reste valide même si la couche $n$ est absorbante. Dans ce cas, cependant, il faut tenir compte de l’atténuation due à l’absorption dans le substrat. La formule (1’) doit donc être remplacée par $$\mathcal{R}_{0\mkern 2mu n+1}=|r_{0\mkern 2mu n}|^2+\dfrac{|t_{0\mkern 2mu n}|^2|r_{n\mkern 2mu n+1}|^2|t_{n\mkern 2mu 0}|^2 T_n^2} {1-|r_{n\mkern 2mu 0}|^2|r_{n\mkern 2mu n+1}|^2 T_n^2} \tag{3}$$ où $$T_n= \left| e^{i\frac{\omega}{c}\zeta_nd_n} \right|^2$$ est la transmittance interne du substrat.

Lorsqu'on tient compte de l’atténuation due à l’absorption dans le substrat, l’équation (2’), elle, devient

$$\mathcal{T}_{0\mkern 2mu n+1}=\dfrac{n_{n+1}\cos\theta_{n+1}}{n_0\cos\theta_0}\dfrac{|t_{0\mkern 2mu n}|^2|t_{n\mkern 2mu n+1}|^2T_n} {1-|r_{n\mkern 2mu 0}|^2|r_{n\mkern 2mu n+1}|^2 T_n^2}. \tag{4}$$

4. Notes et références

On peut définir l'absorption relative¹ $\mathcal{A}$ comme la proportion de l'énergie électromagnétique incidente absorbée entre $z=z_0$ et $z=z_n$. On a alors la relation suivante :

$\mathcal{R}+\mathcal{A}+\mathcal{T}=1$

qui exprime la conservation de l'énergie. Lorsque le champ transmis est évanescent et qu'il n'y a pas d'absorption, on observe un phénomène connu sous le nom de « réflexion totale » ($\mathcal{R}=1$).

Les formules (3) et (4) peuvent paraître ad hoc, mais si on fait le calcul avec les formules (4) de la page précédente en supposant que les faisceaux avec des chemins opti­ques différents ont un déphasage aléatoire qui varie dans le temps, on obtient exactement les mêmes résultats.

Il existe plusieurs méthodes pour tenir compte du substrat lorsque l'épaisseur est du même ordre de grandeur que la longueur de cohérence : voir par exemple https://www.osapublishing.org/ao/abstract.cfm?uri=ao-41-19-3978.

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¹ On ne peut malheureusement pas utiliser le terme « absorbance » qui a une définition différente (voir par exemple https://fr.wikipedia.org/wiki/Absorbance).

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