Nous montrons ici comment calculer les matrices de Jones pour un empilement de couches minces.
Supposons deux milieux homogènes isotropes et transparents séparés par $n$ couches minces pouvant être anisotropes, comme dans la figure de droite. Si dans le milieu entrant, à gauche, on a un champ incident $\boldsymbol\phi_{in}$, il en résultera dans le même milieu un champ réfléchi $\boldsymbol\phi_{re}$ et dans le milieu sortant, à droite, un champ transmis $\boldsymbol\phi_{tr}$. Les champs en $z=z_0$ et $z=z_n$ seront $$\begin{array} {ll} \boldsymbol\Phi(z_0) = \kk0+ \boldsymbol\phi_{in} + \kk0- \boldsymbol\phi_{re}, \\ \boldsymbol\Phi(z_n) = \kk{(n+1)}+ \boldsymbol\phi_{tr}. \end{array} \tag 1$$
Nous voulons trouver des matrices de Jones $\mat r_{0(n+1)}$ et $\mat t_{0(n+1)}$ telles que $$\begin{array} {ll} \boldsymbol\phi_{re} = \mat r_{0(n+1)} \boldsymbol\phi_{in}, & \boldsymbol\phi_{tr} = \mat t_{0(n+1)} \boldsymbol\phi_{in}. \end{array}$$ Le principe est le même que pour les coefficients de
Fresnel de la page précédente, mais il nous manque une donnée du problème : la matrice caractéristique $\mat N$ qui relie les b-vecteurs en $z=z_0$ et $z=z_n$ : $$\boldsymbol\Phi(z_0) = \mat N \boldsymbol\Phi(z_n).$$ Une fois cette matrice connue, on poura dire que $$\begin{split} \boldsymbol\Phi(z_0) & = \kk0+ \boldsymbol\phi_{in} + \kk0- \boldsymbol\phi_{re} \\ & = \mat N \kk{(n+1)}+ \boldsymbol\phi_{tr} \end{split} \tag 2$$ et en conclure, après multiplication à gauche de (2) par $\bb0+$ et $\bb0-$, que $$\begin{array} {ll} \phi_{in} = \bb0+ \mat N \kk{(n+1)}+ \boldsymbol\phi_{tr}, \\ \phi_{re} = \bb0- \mat N \kk{(n+1)}+ \boldsymbol\phi_{tr}. \end{array}$$ Les matrices qu'on cherche sont donc données par les formules $$\begin{array} {ll} \mat t_{0(n+1)} = [\bb0+ \mat N \kk{(n+1)}+]^{-1}, \\ \begin{split} \mat r_{0(n+1)} = & \bb0- \mat N \kk{(n+1)}+ \mat t_{0(n+1)} \\ = & \bb0- \mat N \kk{(n+1)}+ \times \\ & [\bb0+ \mat N \kk{(n+1)}+]^{-1}.\end{split} \end{array} \tag 3$$
On a vu qu'il est possible, pour chacune des couches $k$, de calculer une matrice caractéristique $\mat N_k$ telle que $$\boldsymbol\Phi(z_{k-1}) = \mat N_k \boldsymbol\Phi(z_k).$$ On peut donc calculer $\mat N$ selon la formule $$\mat N = \mat N_1 \mat N_2 \cdots \mat N_{n-1} \mat N_n. \tag 4$$ Rappelons que pour calculer chaque matrice $\mat N_k$, il faut commencer par résoudre l'équation aux valeurs propres $$\boldsymbol\Delta_k |~k, i \gt = \zeta_{k,i} |~k, i \gt,$$ où $\boldsymbol\Delta_k$ la valeur de la matrice $\boldsymbol\Delta$ dans la couche $k$. On calcule ensuite la matrice $\mat M_k$ qui a les $|~k, i \gt$ comme colonnes ; $\mat N_k$ est alors donné par la formule
$$\mat N_k = \mat M_k \diag \left(e^{-i \frac \omega c \zeta_{k,1} d_k}, \ldots ,e^{-i \frac \omega c \zeta_{k,4} d_k}\right) \mat M_k^{-1},$$ où $$d_k = z_k-z_{k-1}$$ est l'épaisseur de la couche $k$. On peut aussi écrire $\mat N_k$ sous la forme équivalente $$\mkern -20mu \begin{split} \mat N_k & = \kk k+ \begin{bmatrix} e^{-i \frac \omega c \zeta_{k,1} d_k} & 0 \\ 0 & e^{-i \frac \omega c \zeta_{k,3} d_k} \end{bmatrix} \bb k+ \\ & +\kk k- \begin{bmatrix} e^{-i \frac \omega c \zeta_{k,2} d_k} & 0 \\ 0 & e^{-i \frac \omega c \zeta_{k,4} d_k} \end{bmatrix} \bb k-. \end{split} \tag 5$$
Si on répète le processus de la section 1 pour un champ incident venant de la droite, il faut remplacer (1) par $$\begin{array} {ll} \boldsymbol\Phi(z_0) = \kk0- \boldsymbol\phi_{tr}, & \boldsymbol\Phi(z_n) = \kk{(n+1)}- \boldsymbol\phi_{in} + \kk{(n+1)}+ \boldsymbol\phi_{re} \end{array}$$ et (2) par $$\boldsymbol\Phi(z_0) = \kk0- \boldsymbol\phi_{tr} = \mat N \kk{(n+1)}- \boldsymbol\phi_{in} + \mat N \kk{(n+1)}+ \boldsymbol\phi_{re}. \tag 6$$ En multipliant (6) à gauche par $\bb0+$ et $\bb0-$, on obtient $$\begin{array} {rr} 0 = \bb0+ \mat N \kk{(n+1)}- \boldsymbol\phi_{in} + \bb0+ \mat N \kk{(n+1)}+ \boldsymbol\phi_{re}, \\ \boldsymbol\phi_{tr} = \bb0- \mat N \kk{(n+1)}- \boldsymbol\phi_{in} + \bb0- \mat N \kk{(n+1)}+ \boldsymbol\phi_{re}. \end{array}$$ Si maintenant on définit les matrices de Jones $\mat r_{(n+1)0}$ et $\mat t_{(n+1)0}$ par $$\begin{array} {ll} \boldsymbol\phi_{re} = \mat r_{(n+1)0} \boldsymbol\phi_{in}, & \boldsymbol\phi_{tr} = \mat t_{(n+1)0} \boldsymbol\phi_{in}, \end{array}$$ ceci veut dire qu'on a $$\mat r_{(n+1)0} = - [ \bb0+ \mat N \kk{(n+1)}+ ]^{-1} \bb0+ \mat N \kk{(n+1)}- \tag {7a}$$ et $$\begin{split} \mat t_{(n+1)0} = & \bb0- \mat N \kk{(n+1)}- - \bb0- \mat N \kk{(n+1)}+ \times \\ & [ \bb0+ \mat N \kk{(n+1)}+ ]^{-1} \bb0+ \mat N \kk{(n+1)}-. \end{split} \tag {7b}$$
Dans le cas d'un champ incident venant de la droite, on peut simplifier les formules si on utilise $\mat N^{-1}$ plutôt que $\mat N$ : on peut en effet écrire $$\begin{split} \boldsymbol\Phi(z_n) & = \mat N^{-1} \kk0- \boldsymbol\phi_{tr} \\ & = \kk{(n+1)}- \boldsymbol\phi_{in} + \kk{(n+1)}+ \boldsymbol\phi_{re}, \end{split}$$ d'où $$\begin{array} {ll} \bb{(n+1)}+ \mat N^{-1} \kk0- \boldsymbol\phi_{tr} = \phi_{re} , \\ \bb{(n+1)}- \mat N^{-1} \kk0- \boldsymbol\phi_{tr} = \phi_{in} \end{array}$$ et $$\begin{array} {ll} \mat t_{(n+1)0} = [\bb{(n+1)}- \mat N^{-1} \kk0-]^{-1}, \\ \begin{split} \mat r_{(n+1)0} = & \bb{(n+1)}+ \mat N^{-1} \kk0- \mat t_{(n+1)0} \\ = & \bb{(n+1)}+ \mat N^{-1} \kk0- \times \\ & [\bb{(n+1)}- \mat N^{-1} \kk0-]^{-1}.\end{split} \end{array} \tag 8$$
Il est aussi possible, si on le désire, d'utiliser la matrice $\mat N^{-1}$ pour obtenir des formules similaires aux formules (7) lorsqu'on a un champ incident venant de la gauche.
Remarque. Lorsqu'on utilise la matrice $\mat N^{-1}$, on peut calculer la matrice $\mat N$ selon la formule (4), puis l'inverser numériquement. Une autre possibilité consiste à écrire $$\mat N^{-1} = \mat N_n^{-1} \mat N_{n-1}^{-1} \cdots \mat N_2^{-1} \mat N_1^{-1}, \tag 9$$ où $$\mkern -20mu \begin{split} \mat N_k^{-1} & = \mat M_k \diag \left(e^{i \frac \omega c \zeta_{k,1} d_k}, \ldots ,e^{i \frac \omega c \zeta_{k,4} d_k}\right) \mat M_k^{-1} \\ & =\kk k+ \begin{bmatrix} e^{i \frac \omega c \zeta_{k,1} d_k} & 0 \\ 0 & e^{i \frac \omega c \zeta_{k,3} d_k} \end{bmatrix} \bb k+ \\ & +\kk k- \begin{bmatrix} e^{i \frac \omega c \zeta_{k,2} d_k} & 0 \\ 0 & e^{i \frac \omega c \zeta_{k,4} d_k} \end{bmatrix} \bb k-. \end{split} \tag {10}$$
Comme on l'a vu, avoir un miroir métallique en $z=z_0$ est équivalent à supposer que le milieu $0$ est un conducteur parfait. On devra donc avoir $$\bb{}E \boldsymbol\Phi(z_0) = 0,$$ où la matrice $\bb{}E$, introduite à la page précédente, vaut $$\bb{}E = \begin{bmatrix} 1 & 0 & 0 & 0 \\ 0 & 0 & 1 & 0 \end{bmatrix}.$$
Avec un champ incident venant de la droite, on aura $$\boldsymbol\Phi(z_0) = \mat N \kk{(n+1)}- \boldsymbol\phi_{in} + \mat N \kk{(n+1)}+ \boldsymbol\phi_{re},$$ ce qui conduit à $$\begin{split} & \bb{}E \mat N \kk{(n+1)}- \boldsymbol\phi_{in} + \\ & \bb{}E \mat N \kk{(n+1)}+ \boldsymbol\phi_{re} = 0, \end{split}$$
et donc $$\begin{split} \mat r_{(n+1)0} = & [ \bb{}E \mat N \kk{(n+1)}+ ]^{-1} \times \\ & \bb{}E \mat N \kk{(n+1)}-.\end{split} \tag {11}$$
Avec un miroir métallique en $z=z_n$ et un champ incident venant de la gauche, il est encore possible d'utiliser la matrice $\bb{}E$ si on inverse la matrice $\mat N$. On a alors $$\begin{split} & \bb{}E \mat N^{-1} \kk{0}+ \boldsymbol\phi_{in} + \\ & \bb{}E \mat N^{-1} \kk{0}- \boldsymbol\phi_{re} = 0 \end{split}$$ d'où $$\begin{split} \mat r_{0(n+1)} = & [ \bb{}E \mat N^{-1} \kk{0}- ]^{-1} \times \\ & \bb{}E \mat N^{-1} \kk{0}+.\end{split} \tag {12}$$
Une alternative faisant intervenir un autre type de matrice est présentée à la section 6.
L'image à gauche illustre trois milieux ($0$, $1$ et $2$) séparés par deux empilements de couches minces. On suppose connues les différentes matrices de Jones entre les milieux $0$ et $1$ et entre les milieux $1$ et $2$ ; on veut calculer les matrices de Jones entre les milieux $0$ et $2$. Avec un champ incident $\boldsymbol\phi_1$ dans le milieu $0$, on aura un champ réfléchi $\boldsymbol\phi_2$ dans le même milieu et un champ transmis $\boldsymbol\phi_7$ dans le milieu $2$. Les relations entre les différents champs indiqués sur la figure seront : $$\begin{array} {llllll} \boldsymbol\phi_2 = \mat t_{10} \boldsymbol\phi_4 + \mat r_{01} \boldsymbol\phi_1, & \boldsymbol\phi_3 = \mat t_{01} \boldsymbol\phi_1 + \mat r_{10} \boldsymbol\phi_4, & \boldsymbol\phi_4 = \boldsymbol\pi_- \boldsymbol\phi_6, & \boldsymbol\phi_5 = \boldsymbol\pi_+ \boldsymbol\phi_3, & \boldsymbol\phi_6 = \mat r_{12} \boldsymbol\phi_5, & \boldsymbol\phi_7 = \mat t_{12} \boldsymbol\phi_5, \end{array}$$ où on a posé $$\begin{array} {ll} \boldsymbol\pi_+ = \begin{bmatrix} e^{i \frac \omega c \zeta_{1,1} d_1} & 0 \\ 0 & e^{i \frac \omega c \zeta_{1,3} d_1} \end{bmatrix}, & \boldsymbol\pi_- = \begin{bmatrix} e^{-i \frac \omega c \zeta_{1,2} d_1} & 0 \\ 0 & e^{-i \frac \omega c \zeta_{1,4} d_1} \end{bmatrix}, \end{array} \tag {13}$$ $d_1$ étant l'épaisseur du milieu $1$. On a ensuite successivement $$\begin{array} {ll} \boldsymbol\phi_6 = \mat r_{12} \boldsymbol\pi_+ \boldsymbol\phi_3, & \boldsymbol\phi_4 = \boldsymbol\pi_- \mat r_{12} \boldsymbol\pi_+ \boldsymbol\phi_3 \end{array}$$ et $$\boldsymbol\phi_3 = \mat t_{01} \boldsymbol\phi_1 + \mat r_{10} \boldsymbol\pi_- \mat r_{12} \boldsymbol\pi_+ \boldsymbol\phi_3~~\Rightarrow~~ \boldsymbol\phi_3 = [ \mat I - \mat r_{10} \boldsymbol\pi_- \mat r_{12} \boldsymbol\pi_+ ]^{-1}\mat t_{01} \boldsymbol\phi_1,$$ ce qui donne finalement $$\begin{array} {ll} \boldsymbol\phi_2 = \mat r_{01} \boldsymbol\phi_1 + \mat t_{10} \boldsymbol\pi_- \mat r_{12} \boldsymbol\pi_+ [ \mat I - \mat r_{10} \boldsymbol\pi_- \mat r_{12} \boldsymbol\pi_+ ]^{-1}\mat t_{01} \boldsymbol\phi_1, & \boldsymbol\phi_7 = \mat t_{12} \boldsymbol\pi_+ [ \mat I - \mat r_{10} \boldsymbol\pi_- \mat r_{12} \boldsymbol\pi_+ ]^{-1}\mat t_{01} \boldsymbol\phi_1. \end{array}$$ On a donc $$\begin{array} {ll} \mat r_{02} = \mat r_{01} + \mat t_{10} \boldsymbol\pi_- \mat r_{12} \boldsymbol\pi_+ [ \mat I - \mat r_{10} \boldsymbol\pi_- \mat r_{12} \boldsymbol\pi_+ ]^{-1}\mat t_{01}, & \mat t_{02} = \mat t_{12} \boldsymbol\pi_+ [ \mat I - \mat r_{10} \boldsymbol\pi_- \mat r_{12} \boldsymbol\pi_+ ]^{-1}\mat t_{01}. \end{array} \tag {14}$$
Remarque. Si le milieu $1$ est isotrope, alors $$\begin{array} {ll} \boldsymbol\pi_+=\boldsymbol\pi_-=e^{i \beta} \mat I, & \beta = \frac \omega c \zeta_1 d_1. \end{array} \tag {15}$$
En présence d'un miroir métallique, on peut aussi utiliser la matrice $$\kk{}H = \begin{bmatrix} 0 & 1 & 0 &0 \\ 0 & 0 & 0 & 1 \end{bmatrix}^T, \tag {16}$$ qui a la propriété $$\boldsymbol\phi_H = \begin{bmatrix} Z_0 H_y & Z_0 H_x \end{bmatrix}^T~~\Rightarrow~~\boldsymbol\Phi = \kk{}H \boldsymbol\phi_H = \begin{bmatrix} 0 & Z_0 H_y & 0 & Z_0 H_x \end{bmatrix}^T~: \tag {17}$$ quand on multiplie le pseudo j-vecteur $\boldsymbol\phi_H$ par $\kk{}H$, on obtient un b-vecteur $\boldsymbol\Phi$ qui satisfait la condition aux limites à la surface du miroir, $E_x=E_y=0$.
Supposons donc qu'on ait un miroir métallique en $z=z_n$ et un champ incident venant de la gauche : on aura, pour un certain pseudo j-vecteur $\boldsymbol\phi_H$, $$\begin{array} {ll} \boldsymbol\Phi(z_0) = \kk0+ \boldsymbol\phi_{in} + \kk0- \boldsymbol\phi_{re} , & \boldsymbol\Phi(z_n) = \kk{}H \boldsymbol\phi_H \end{array}$$ et donc $$\kk0+ \boldsymbol\phi_{in} + \kk0- \boldsymbol\phi_{re} = \mat N \kk{}H \boldsymbol\phi_H$$ En multipliant à gauche par $\bb0+$ et $\bb0-$, on obtient $$\begin{array} {ll} \phi_{in} = \bb0+ \mat N \kk{}H \boldsymbol\phi_H, & \phi_{re} = \bb0- \mat N \kk{}H \boldsymbol\phi_H \end{array},$$ ce qui implique que $$\mat r_{0(n+1)} = \bb0- \mat N \kk{}H [\bb0+ \mat N \kk{}H]^{-1}. \tag {18}$$