$\renewcommand{\vec}[1]{\mathbf{#1}}$ $\newcommand{\fvec}[1]{\tilde{\vec{#1}}}$ $\newcommand{\ffvec}[1]{\check{\vec{#1}}}$ $\newcommand{\fffvec}[1]{\check{\tilde{\vec{#1}}}}$ $\newcommand{\f}[1]{\tilde{#1}}$ $\newcommand{\ff}[1]{\check{#1}}$ $\newcommand{\fff}[1]{\check{\tilde{#1}}}$ $\newcommand{\reels}{\mathbb{R}}$ $\newcommand{\dif}{\mathrm{d}}$ $\newcommand{\eps}{\varepsilon}$ $\newcommand{\xy}{\mathbin{/\mkern-4mu/}}$

Équations de la forme dX/dz = A X

Nous allons voir ici la théorie générale pour résoudre les équation différentielle vectorielles d’ordre 1 de la forme $$\dfrac{d\vec{X}}{dz}=\vec{A}\vec{X},~~~\vec{X}(z_0)=\vec{X}_0 \tag{1}$$ où $\vec{X}$ est un vecteur de dimension $n$ et $\vec{A}$ une matrice constante $n\times n$.

1. Valeurs propres et vecteurs propres

La méthode de résolution fait intervenir les vecteurs propres et les valeurs propres de $\vec{A}$. Rappelons donc de quoi il s’agit.

On dit que le vecteur non nul $\vec{X}$ est un vecteur propre de la matrice $\vec{A}$ correspondant à la valeur propre $\lambda$ si on a $$\vec{A}\vec{X}=\lambda\vec{X}.$$

Cette équation peut être réécrite sous la forme d’un système linéaire homogène $$(\vec{A}-\lambda\vec{I})\vec{X}=0\tag{2}$$ et on sait qu’un tel système admet une solution non triviale si et seulement si le déterminant de la matrice des coefficients est nul. Donc, $\lambda$ est une valeur propre de $\vec{A}$ si et seulement si $$|\vec{A}-\lambda\vec{I}|=0.\tag{3}$$ L’équation (3) porte le nom d’équation caractéristique de $\vec{A}$. Son membre de gauche est un polynôme de degré $n$ en $\lambda$ dont il faut trouver les racines. Une fois que c’est fait, on trouve les vecteurs propres correspondant à chacune des valeurs propres en résolvant (2).

Exemple 1. Prenons la matrice $$\vec{A}=\begin{bmatrix} 2 & 3 \\ 2 & 1 \end{bmatrix}.$$ Son équation caractéristique est $$|\vec{A}-\lambda\vec{I}|=\begin{vmatrix} 2-\lambda & 3 \\ 2 & 1-\lambda \end{vmatrix}=\lambda^2-3\lambda-4=0.$$ On trouve comme valeurs propres $\lambda_1=-1$ et $\lambda_2=4$. Pour $\lambda_1$, l’équation aux vecteurs propres est $$(\vec{A}+\vec{I})\vec{X}=\begin{bmatrix} 3 & 3 \\ 2 & 2 \end{bmatrix}\vec{X}=0.$$ On peut prendre comme vecteur propre correspon­dant $\vec{X}_1$ n’importe quel multiple non nul du vecteur $[1~-1]^T$. Pour $\lambda_2$, l’équation aux vecteurs propres est $$(\vec{A}-4\vec{I})\vec{X}=\begin{bmatrix} -2 & 3 \\ 2 & -3 \end{bmatrix}\vec{X}=0$$ et on peut prendre comme vecteur propre correspon­dant $\vec{X}_2$ n’importe quel multiple non nul du vecteur $[3~~~2]^T$.

2. Systèmes complets de vecteurs linéairement indépendants (bases)

La méthode de résolution fait intervenir le concept de système complet de vecteurs linéairement indépendants¹. Un ensemble de vecteurs $\vec{X}_1$, … , $\vec{X}_n$ forme un système complet de vecteurs linéairement indépendants si tout vecteur $\vec{X}$ peut s’écrire de manière unique sous la forme $$\vec{X}=c_1\vec{X}_1+\cdots+c_n\vec{X}_n.$$

Exemple 2. Le système formé des vecteurs $\begin{bmatrix} 1 \\ 2\end{bmatrix}$ et $\begin{bmatrix} 2 \\ 4 \end{bmatrix}$

n’est pas complet car c’est impossible d’écrire $$\begin{bmatrix} 5 \\ 6 \end{bmatrix}=c_1\begin{bmatrix} 1 \\ 2\end{bmatrix}+c_2\begin{bmatrix} 2 \\ 4 \end{bmatrix}.$$

De plus, ces vecteurs ne sont pas linéairement indépendants car on a $$\begin{bmatrix} 3 \\ 6 \end{bmatrix} =\begin{bmatrix} 1 \\ 2 \end{bmatrix}+\begin{bmatrix} 2 \\ 4 \end{bmatrix}=5\begin{bmatrix} 1 \\ 2 \end{bmatrix}-\begin{bmatrix} 2 \\ 4 \end{bmatrix}.$$

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¹ Les mathématiciens appellent un tel système une base.

3. Solution de l’équation différentielle vectorielles (1)

Passons maintenant à la solution de l’équation (1). Il faut supposer que la matrice $\vec{A}$ possède un système complet de vecteurs propres $\vec{X}_i$ linéairement indépendants. On peut alors poser $$\vec{X}(z)=c_1(z)\vec{X}_1+\cdots+c_n(z)\vec{X}_n.$$ Si maintenant on écrit les deux membres de l’équation (1), on aura à gauche $$\dfrac{d\vec{X}(z)}{dz}=c’_1(z)\vec{X}_1+\cdots+c’_n(z)\vec{X}_n$$ et à droite $$\vec{A}\vec{X}(z) =c_1(z)\vec{A}\vec{X}_1+\cdots+c_n(z)\vec{A}\vec{X}_n =\lambda_1c_1(z)\vec{X}_1+\cdots+\lambda_nc_n(z)\vec{X}_n.$$

Puisque la manière d’exprimer un vecteur dans le système des $\vec{X}_i$ est unique, il faudra qu’on ait $$c’_1(z)=\lambda_1c_1(z), \dots, c’_n(z)=\lambda_nc_n(z)$$ qui a pour solution $$c_1(z)=c_1(z_0)e^{\lambda_1(z-z_0)}, \dots, c_n(z)=c_n(z_0)e^{\lambda_n(z-z_0)}.$$ Les constantes $c_i(z_0)$ seront alors déterminées par la condition $$\vec{X}(z_0)=c_1(z_0)\vec{X}_1+\cdots+c_n(z_0)\vec{X}_n=\vec{X}_0.$$

Il est à noter que si on prend la matrice $\vec{M}$ qui a les vecteurs $\vec{X}_i$ comme colonnes, on aura successivement $$\vec{X}(z)=\vec{M}\begin{bmatrix}c_1(z) \\ \vdots \\ c_n(z)\end{bmatrix},~~~~\begin{bmatrix}c_1(z) \\ \vdots \\ c_n(z)\end{bmatrix}= \begin{bmatrix}e^{\lambda_1(z-z_0)} & & \\ & \ddots & \\ & & e^{\lambda_n(z-z_0)}\end{bmatrix}\begin{bmatrix}c_1(z_0) \\ \vdots \\ c_n(z_0)\end{bmatrix}~~~~ \mathsf{et}~~~~\vec{M}\begin{bmatrix}c_1(z_0) \\ \vdots \\ c_n(z_0)\end{bmatrix}=\vec{X}_0,$$ c’est-à-dire au total $$\vec{X}(z)=e^{\vec{A}(z-z_0)}\vec{X}_0,~~~ \mathsf{o\grave{u}} ~~~e^{\vec{A}(z-z_0)}=\vec{M}~\text{diag}(e^{\lambda_1(z-z_0)}, \dots, e^{\lambda_n(z-z_0)})~\vec{M}^{-1}.$$

Exemple 3. On veut résoudre $$\dfrac{d\vec{X}}{dz}=\begin{bmatrix} 2 & 3 \\ 2 & 1 \end{bmatrix}\vec{X},~~~\vec{X}(5)=\begin{bmatrix} 1 \\ 4 \end{bmatrix}.$$ En se basant sur les résultats de l’exemple 1, on prend $$\vec{M}=\begin{bmatrix} 1 & 3 \\ -1 & 2 \end{bmatrix}~~~ \Rightarrow~~~ \vec{M}^{-1}=\begin{bmatrix} .4 & -.6 \\ .2 & .2 \end{bmatrix}.$$ La solution est donc $$\vec{X}(z)=\begin{bmatrix} 1 & 3 \\ -1 & 2 \end{bmatrix}\begin{bmatrix} e^{-(z-5)} & 0 \\ 0 & e^{4(z-5)} \end{bmatrix}\begin{bmatrix} .4 & -.6 \\ .2 & .2 \end{bmatrix}\begin{bmatrix} 1 \\ 4 \end{bmatrix} =\begin{bmatrix} -2e^{-(z-5)}+3e^{4(z-5)} \\ 2e^{-(z-5)}+2e^{4(z-5)} \end{bmatrix}.$$

Autre formule pour la solution

On peut mettre la matrice $e^{\vec{A}(z-z_0)}$ sous une autre forme qui est également utile. Désignons par $\vec{X}_i^{\boldsymbol{\perp}}$ les lignes de la matrice $\vec{M}^{-1}$ de la section précédente. Ces vecteurs-lignes ont la propriété que² $$\vec{X}_i^\boldsymbol\perp\vec{X}_j=\delta_{ij}.$$ On peut vérifier qu’en utilisant ces vecteurs, $e^{\vec{A}(z-z_0)}$ peut aussi s’écrire $$e^{\vec{A}(z-z_0)}= \vec{X}_1e^{\lambda_1(z-z_0)}\vec{X}_1^\boldsymbol\perp +\cdots+\vec{X}_ne^{\lambda_n(z-z_0)}\vec{X}_n^\boldsymbol\perp .$$

Exemple 4. On vérifie qu’on obtient bien la solution de l’exemple 3 si on utilise plutôt la formule $$\vec{X}(z)=\left( \begin{bmatrix} 1 \\ -1 \end{bmatrix}e^{-(z-5)}\begin{bmatrix} .4 & -.6 \end{bmatrix} +\begin{bmatrix} 3 \\ 2 \end{bmatrix}e^{4(z-5)} \begin{bmatrix} .2 & .2 \end{bmatrix} \right)\begin{bmatrix} 1 \\ 4 \end{bmatrix}.$$

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² En mathématiques, on dit que les $\vec{X}_i^\boldsymbol\perp$ forment la base duale de celle des $\vec{X}_j$.

4. Notes et références

On devrait trouver un traitement adéquat des équations différentielles vectorielles dans tout bon manuel d’équations différentielles.

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