$\renewcommand{\vec}[1]{\mathbf{#1}}$ $\newcommand{\fvec}[1]{\tilde{\vec{#1}}}$ $\newcommand{\ffvec}[1]{\check{\vec{#1}}}$ $\newcommand{\fffvec}[1]{\check{\tilde{\vec{#1}}}}$ $\newcommand{\f}[1]{\tilde{#1}}$ $\newcommand{\ff}[1]{\check{#1}}$ $\newcommand{\fff}[1]{\check{\tilde{#1}}}$ $\newcommand{\reels}{\mathbb{R}}$ $\newcommand{\dif}{\mathrm{d}}$ $\newcommand{\eps}{\varepsilon}$ $\newcommand{\xy}{\mathbin{/\mkern-4mu/}}$

Propagation dans un milieu homogène isotrope

1. Préliminaires

On a vu que dans un milieu homogène isotrope, résoudre les équations de Maxwell-Lorentz revenait à résoudre les systèmes d’équations $$\boldsymbol\Phi_\pi’(z)=i\dfrac{\omega}{c}\boldsymbol\Delta_\pi\boldsymbol\Phi_\pi(z) \tag{1}$$ pour les polarisations $\pi=p$ et $\pi=s$. Comme on l’a également vu à la page précédente, la méthode de résolution requiert la connaissance des valeurs propres et des vecteurs propres de la matrice $i\dfrac{\omega}{c}\boldsymbol\Delta_\pi$. Nous verrons plus bas que pour les deux polarisations, les valeurs propres sont

$\lambda_{1,2}=\pm i \dfrac{\omega}{c}\zeta= \pm i\gamma$

$\begin{array} {ll} \zeta=\sqrt{\eps’-\kappa_x^2}, & \gamma=\dfrac{\omega}{c}\zeta.\end{array}$

Nous utiliserons la notation¹ $$|~\pm \gt$$ pour les vecteurs propres correspondants.

Direction de propagation

Nous voulons choisir les valeurs de $\zeta$ et $\gamma$ de telle manière que le vecteur propre $|~+ \gt$ soit un champ qui se propage vers la droite (dans le sens des $z$ croissants) et que le vecteur propre $|~- \gt$ soit un champ qui se propage vers la gauche (dans le sens des $z$ décrois­sants).

On notera que la dépendance spatio-temporelle des composantes de Fourier sera de la forme $$e^{i(k_xx\pm\gamma z-\omega t)}.$$ Les conclusions sont donc les suivantes :

  • si $\gamma \in \mathbb{R}$, on doit avoir $\gamma \gt 0$ pour que l’onde partielle avec le $+$ se propage vers la droite ;
  • si $\text{Im}~\gamma \ne 0$, on doit avoir $\text{Im}~\gamma \gt 0$ pour avoir une décroissance exponentielle avec le $+$ quand $z$ aug­mente et une décroissance exponentielle avec le $-$ quand $z$ diminue.

En résumé, on doit avoir $0 \le \arg\gamma \lt\pi,$ c'est-à-dire²

$$\begin{array} {rl} -\pi \lt \arg\zeta \le 0 & \sf{si}~~ \omega \lt 0 \\ 0 \le \arg\zeta \lt\pi & \sf{si}~~ \omega \gt 0. \end{array}$$

Indice de réfraction

On utilisera aussi l’indice de réfraction $n$ défini par $$n=\sqrt{\eps’}.$$ Comme $n$ est la valeur de $\zeta$ correspondant à $\kappa_x=0$, on doit clairement utiliser la même convention que pour $\zeta$ pour éviter les contradictions.

Champs tridimensionnels

Nous désignerons par $\fffvec{E}_\pm$et $\fffvec{H}_\pm$ les champs tridimen­sionnels correspondant aux vecteurs propres $|~\pm \gt$.

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¹ Puisque les deux polarisations seront toujours traitées séparément, pour alléger la notation on n'utilisera pas d’indice $\pi$ pour distinguer les vecteurs propres ou les champs tridimensionnels correspondants.

² En fait, on verra à la page suivante qu’on doit avoir $-\pi/2 \le \arg\zeta \le 0$ si $\omega \lt 0$ et $0 \le \arg\zeta \le\pi/2$ si $\omega \gt 0$.

2. Solution générale

La solution générale de (1) est $$\boldsymbol\Phi_\pi(z)=c~e^{i\gamma z}|~+\gt+d~e^{-i\gamma z}|~-\gt.$$

Si $z_0$ est ue valeur de $z$ où la solution est connue, il peut être plus avantageux d'écrire plutôt $$\boldsymbol\Phi_\pi(z)=c_+ e^{i\gamma (z-z_0)}|~+\gt+c_- e^{-i\gamma (z-z_0)}|~-\gt \tag{2}$$ de manière à avoir $$\boldsymbol\Phi_\pi(z_0)=c_+ |~+\gt+c_- |~-\gt. \tag{3}$$

On a vu à la page précédente qu’il est possible de trouver des vecteurs, que nous noterons $\lt+~|$ et $\lt-~|$, tels que³ $$\lt+~|~+\gt=\lt-~|~-\gt=1 \\ \lt-~|~+\gt=\lt+~|~-\gt=0.$$ Il est très facile de résoudre (3) à l’aide de ces vecteurs. Tous simplement, $$c_\pm = \lt \pm~|\boldsymbol\Phi_\pi(z_0). \tag{4}$$

On peut résumer les équations (2)-(4) en écrivant $$\boldsymbol\Phi_\pi(z)=\left[|~+\gt e^{i\gamma (z-z_0)}\lt+~|+ \\ |~-\gt e^{-i\gamma (z-z_0)}\lt-~| \right] \boldsymbol\Phi_\pi(z_0).$$ ou, de manière encore plus compacte, $$\boldsymbol\Phi_\pi(z)=\exp\left(i\dfrac{\omega}{c}\boldsymbol\Delta_p(z-z_0)\right) \boldsymbol\Phi_\pi(z_0).$$ où, par définition, $$\exp\left(i\dfrac{\omega}{c}\boldsymbol\Delta_p(z-z_0)\right)=\left[|~+\gt e^{i\gamma (z-z_0)}\lt+~|+ \\ |~-\gt e^{-i\gamma (z-z_0)}\lt-~| \right].$$

Une fois $c_\pm$ connus, il est possible d'écrire la solution en termes de champs tridimensionnels : $$\begin{array} {l} \fffvec{E}(z) = c_+ e^{i\gamma (z-z_0)}\fffvec{E}_+ + c_- e^{-i\gamma (z-z_0)}\fffvec{E}_- \\ \fffvec{H}(z) = c_+ e^{i\gamma (z-z_0)}\fffvec{H}_+ + c_- e^{-i\gamma (z-z_0)}\fffvec{H}_-. \end{array}$$

______________________________________________________________________________

³ La notation $\lt~~|~~\gt$ désigne ici le produit matriciel ordinaire d’un vecteur ligne et d’un vecteur colonne (sans conjugaison complexe).

3. Polarisation $p$

Dans le cas de la polarisation $p$, l’équation à résoudre a la forme $$\boldsymbol\Phi_p’(z)=i\dfrac{\omega}{c}\begin{bmatrix} 0 & 1-\dfrac{\kappa_x^2}{\eps’} \\ \eps’ & 0 \end{bmatrix}\boldsymbol\Phi_p(z)$$ où $\boldsymbol\Phi_p=[\fff{E}_x~~Z_0 \fff{H}_y]^T$. On vérifie facilement que les valeurs propres sont bien $\lambda_{1,2}=\pm i\dfrac{\omega}{c}\zeta= \pm i\gamma$ et qu’on peut choisir comme vecteurs propres $$|~\pm \gt= \begin{bmatrix} \pm \zeta/n \\ n \end{bmatrix}.$$ Avec les notations de la page précédente, cela donne $$\vec{M}= \begin{bmatrix} \zeta/n & -\zeta/n\\ n & n \end{bmatrix}~\Rightarrow~\vec{M}^{-1}= \dfrac{1}{2\zeta}\begin{bmatrix} n & \zeta/n\\ -n & \zeta/n \end{bmatrix}$$

et donc $$ \lt \pm~| = \dfrac{1}{2}\begin{bmatrix} \pm n/\zeta & 1/n \end{bmatrix}.$$

Lorsqu’on fait les calculs, on trouve que la matrice $\exp\left(i\dfrac{\omega}{c}\boldsymbol\Delta_p(z-z_0)\right)$ est égale à $$\begin{bmatrix} \cos \left(\gamma(z-z_0)\right) & i\dfrac{\zeta}{\eps’} \sin \left(\gamma(z-z_0)\right)\\ i\dfrac{\eps’}{\zeta} \sin \left(\gamma(z-z_0)\right) & \cos \left(\gamma(z-z_0)\right)\end{bmatrix}.$$

Pour les champs tridimensionnels, on a $$\begin{array} {ll} \fffvec{E}_\pm = \begin{bmatrix} \pm \zeta/n \\ 0 \\ -\kappa_x/n \end{bmatrix}, & \fffvec{H}_\pm = \dfrac{1}{Z_0}\begin{bmatrix} 0 \\ n \\ 0 \end{bmatrix}. \end{array}$$

4. Polarisation $s$

Pour la polarisation $s$, il faut résoudre $$\boldsymbol\Phi_s’(z)=i\dfrac{\omega}{c}\begin{bmatrix} 0 & -1 \\ \kappa_x^2 -\eps’ & 0 \end{bmatrix}\boldsymbol\Phi_s(z)$$ où $\boldsymbol\Phi_s=[\fff{E}_y~~Z_0 \fff{H}_x]^T$. On vérifie de nouveau que les valeurs propres sont $\lambda_{1,2}=\pm i\dfrac{\omega}{c}\zeta= \pm i\gamma$ ; on peut choisir comme vecteurs propres $$|~\pm \gt= \begin{bmatrix} 1 \\ \mp \zeta \end{bmatrix}$$ Toujours avec les notations de la page précédente, on a $$\vec{M}= \begin{bmatrix} 1 & 1 \\ -\zeta & \zeta \end{bmatrix}~\Rightarrow~\vec{M}^{-1}= \dfrac{1}{2\zeta}\begin{bmatrix} \zeta & -1\\ \zeta & 1 \end{bmatrix}$$

d’où $$ \lt\pm~| = \dfrac{1}{2}\begin{bmatrix} 1 & \mp 1/\zeta \end{bmatrix},$$ ce qui donne pour $\exp\left(i\dfrac{\omega}{c}\boldsymbol\Delta_s(z-z_0)\right)$ la matrice

$$\begin{bmatrix} \cos \left(\gamma(z-z_0)\right) & -i\dfrac{1}{\zeta} \sin \left(\gamma(z-z_0)\right) \\ -i\zeta \sin \left(\gamma(z-z_0)\right) & \cos \left(\gamma(z-z_0)\right)\end{bmatrix}.$$

Pour les champs tridimensionnels, on a $$\begin{array} {ll} \fffvec{E}_\pm = \begin{bmatrix} 0 \\ 1 \\ 0 \end{bmatrix}, & \fffvec{H}_\pm = \dfrac{1}{Z_0}\begin{bmatrix} \mp \zeta \\ 0 \\ \kappa_x \end{bmatrix}. \end{array}$$

5. Milieux transparents

On dit qu’un milieu est transparent si la permittivité diélectrique $\eps'$ est réelle. Dans ce cas, $n$ est réel et $\zeta$ et $\gamma$, eux, sont soit réels soit imaginaires purs.

Il est à noter qu'on a la relation $$\kappa_x^2 + \zeta^2 = n^2. \tag{5}$$

Champs qui se propagent

Si $\kappa_x^2 \lt n^2$, $\zeta$ et donc $\gamma$ sont réels. Il résulte de (5) qu'il existe un angle $\theta$ tel que $$\kappa_x=n\sin\theta,~~~\zeta=n\cos\theta.$$

Si on définit les vecteurs d'onde $\pm$ par $$\vec{k}_\pm = \begin{bmatrix} k_x \\ 0 \\ \pm\gamma\end{bmatrix} = \dfrac{\omega}{c}\begin{bmatrix} \kappa_x \\ 0 \\ \pm\zeta\end{bmatrix} = \dfrac{\omega n}{c}\begin{bmatrix} \sin\theta \\ 0 \\ \pm\cos\theta \end{bmatrix}, $$ on constate que les champs électriques et magnétiques $\pm$ des deux polarisations auront une dépendance spatio-temporelle de la forme $$e^{i(\vec{k}_\pm\cdot\vec{x}-\omega t)}$$ et donc que $\theta$ est l’angle que fait leur direction de propa­gation avec l’axe des $z$.

Les champs tridimensionnels sont

$$\begin{array} {ll} \fffvec{E}_\pm = \begin{bmatrix} \pm \cos\theta \\ 0 \\ -\sin\theta \end{bmatrix}, & \fffvec{H}_\pm = \dfrac{n}{Z_0}\begin{bmatrix} 0 \\ 1 \\ 0 \end{bmatrix} \end{array}$$

pour la polarisation $p$ et $$\begin{array} {ll} \fffvec{E}_\pm = \begin{bmatrix} 0 \\ 1 \\ 0 \end{bmatrix}, & \fffvec{H}_\pm = \dfrac{n}{Z_0}\begin{bmatrix} \mp \cos\theta \\ 0 \\ \sin\theta \end{bmatrix} \end{array}$$

pour la polarisation $s$. On remarque qu'ils satisfont $$\vec{k}_\pm\cdot\fffvec{E}_\pm=\vec{k}_\pm\cdot\fffvec{H}_\pm=0.$$

Champs évanescents

Si $\kappa_x^2 \gt n^2$, $\zeta$ et $\gamma$ sont imaginaires purs ; on a $$\gamma = i |\gamma|,$$ ce qui implique comme solution $$\begin{array} {l} \fffvec{E}(z) = c_+ e^{-|\gamma| (z-z_0)}\fffvec{E}_+ + c_- e^{|\gamma| (z-z_0)}\fffvec{E}_- \\ \fffvec{H}(z) = c_+ e^{-|\gamma| (z-z_0)}\fffvec{H}_+ + c_- e^{|\gamma| (z-z_0)}\fffvec{H}_-. \end{array}$$

De tels champs sont dits évanescents. Ils ont la rare propriété de (dé)croître exponentiellement alors qu'il n'y a pas d'absorption.

6. Notes et références

Born
Max Born (1882-1970).

La référence par excellence dans le domaine de l’optique physique est Max Born and Emil Wolf. Principles of Optics. Sixth Edition. Pergamon Press. 1980. Le sujet de cette page-ci y est traité au chapitre I. Les auteurs y mentionnent que les matrices $\exp\left(i\frac{\omega}{c}\boldsymbol\Delta_s(z-z_0)\right)$ ont un déterminant qui vaut $1$. J'ignore si ce fait a des implications physiques.

Un milieu qui n'est pas transparent est dit absorbant. Il est courant de définir dans de tels milieux un angle $\theta$ complexe tel qu'on ait

$\kappa_x=n\sin\theta,~~~\zeta=n\cos\theta.$

Il faut être conscient que cet angle n’a aucune interprétation physique ; son utilisation n'est pas nécessaire et peut être (à mon avis devrait être) complètement évitée.

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